Feenat est née à Murias de parents obsédés par leur rang social, comme n'importe quel aosien. Sa mère est enseignante, ce qui lui offre déjà un certain prestige et de belles sommes d'argent tous les mois. Selon ses dires, elle était destinée à ce métier depuis sa plus tendre enfance, fille droite et intelligente qu'elle était. De son côté, son père est ingénieur dans l'armement. C'est celui qui conçoit les plans des armes qui permettront dans un avenir proche à la nation d'anéantir tous ceux et celles qui veulent lui tenir tête. Bien que moins prestigieux que le métier d'enseignant, cela lui offre tout de même plusieurs avantages non négligeable, surtout pour le salaire. Dés son plus jeune âge, en plus de ce qu'on lui rabâchait à l'école, la brune plongea rapidement dans cette quête des hauteurs. D'une main de fer, ses parents l'éduquèrent pour en faire une parfaite petite fille, voyant en elle leurs espoirs pour rejoindre les rangs de la noblesse. Ainsi, Feenat se comportait parfaitement bien en société. Avec de beaux bonjours, des au revoir et des s'il-vous-plait bien placés, elle semblait être fait pour ce monde où seuls les apparences et de soif de puissance comptaient.

C'était sans compter sur son cousin, à la marge dans leur famille, qui remit les pieds à Aosi. Feenat avait neuf ans à cette époque et vous devez bien vous douter que le retour de Sadorn, le cousin en question, chez les Rivoal n'était pas vu d'un très bon œil par tous. Néanmoins, les parents de la brunette décidèrent tout de même d’accueillir le jeune homme pendant un temps, ses propres parents refusant catégoriquement sa présence. Feenat en profita donc pour se rapprocher de cet homme tellement étrange et fascinant à la fois. Il semblait tellement différent des personnes qu'elle croisait tous les jours. Souvent son regard semblait se perdre dans un tout autre univers, ressassant sans doute ses nombreux voyages avant de remettre les pieds à L'Invulnérable. Parfois il riait aussi, brusquement, sans aucune retenue ou grâce. Il avait des idées étranges aussi, comme s'amuser au lieu d'étudier. Mais malgré toutes ces discordances, la petite fille de l'époque s'attache à ce personnage plus que bizarre. Pour une enfant de son âge, à l'esprit curieux et recherchant la nouveauté, la présence de son cousin dans leur demeure était comme une bouffée d'air frais. Ainsi, à son contact, elle s'éloigna petit à petit de ce chemin tracé pour tous les aosiens.    

Et un jour, Sadorn lui parla des Esprits, balayant toute cette fierté qu'on lui avait rabâché au sujet de la destruction de Vestri. Ce sujet pourtant tabou au milieu de toutes ces technologies et pourtant, Feenat écouta son récit docilement. Il lui conta des légendes, comment les Esprits avaient crée le monde, comment ils protégeaient ceux qui peuplaient leur chef d'oeuvre. Il lui parla même de sa propre bénédiction, lui montrant ainsi sa capacité à soigner quelques blessures à l'aide d'une simple pensée. Stupéfaite, l'enfant se demanda si elle devait avoir peur ou plutôt être émerveillée. Depuis son berceau, on lui murmurait que les Esprits n'étaient que de piètres choses à côté d'eux, que personne n'avait besoin d'eux pour vivre heureux, que leur puissance n'égalait en rien la leur. Mais à côté de ça, il y avait à présent l'histoire de son cousin, à l'apparence tellement plus vraie que toutes les autres personnes de la cité. Et son esprit enfantin, qui se plaisait à imaginer des êtres veillant sur elle, ne tarda pas à prendre le dessus sur tous ces enseignements passés. Néanmoins, elle ne toucha pas un mot à ses parents, qui ne semblaient pas voir le changement qui s'opérait chez leur petite fille parfaite. Cette dernière se comportait toujours bien. Elle assistait à des dîners avec eux,elle ramenait toujours de bonnes notes, elle souriait toujours à qui le voulait. Oui, elle n'était pas bête, ou plutôt elle avait peur. Ses nouvelles connaissances étaient des secrets, des secrets qui devenaient rester entre elle et son cousin. Cousin qui ne tarda pas à disparaître.

Un matin, s'extirpant doucement des bras de Morphée, la jeune fille trouva une lettre au pied de son lit, écrite de la main de Sadorn. Seulement quelques lignes où il lui disait de ne jamais oublié ce qu'il lui avait raconté, ce qu'il avait en dehors d'Aosi, ce qu'il y avait au-dessus de leur tête. De faire ce qu'elle croyait juste. Et après avoir fouillé de fond en comble sa grande maison, Feenat ne trouva aucune trace de son cousin. Ses parents ne purent lui apporter plus d'explications à ce sujet, lui disant simplement que c'était mieux qu'il ne soit plus là. Mais leur fille n'était pas dupe. Quelque chose était arrivé à ce garçon étrange et agréable. Au comportement gênant. Elle comprit rapidement que tous les aosiens ne faisaient que grandir au milieu d'une mascarade. Que leur bonheur n'était qu'un mensonge. Mais elle resta toujours silencieuse, ne voulant décemment pas subir le même sort que son ancien amie trop bavard.

A l'âge de ses douze ans, après avoir fait un rêve des plus étrange où elle flottait au milieu d'étoiles scintillantes et que des murmures incompréhensibles chatouillaient ses oreilles, elle se réveilla avec une marque au poignet. Cette même marque qu'avait son cousin, lui permettant de soigner des plaies. Et cette révélation fut comme une bouffée d'air frais pour la jeune fille. Étrangement, avec ce drôle de tatouage incrusté dans sa peau, elle ne se sentait plus seule, ayant l'impression d'être observée d'en haut. Cela ne fit que renforcer sa croyance envers toutes les histoires que lui avait raconté Sadorn, et la rendait même fière. Une véritable bénédiction qui allait sans doute lui permettre d'accomplir de grandes choses. Parce que c'était ce qu'elle voulait, changer Aosi de l'intérieur, que les habitants cessent de se voiler la face. Elle savait qu'elle avait encore beaucoup de choses à apprendre, que d'autres secrets étaient cachés dans cette grande nation à l'allure intouchable mais cela ne l'arrêterait pas. Elle ferait sa justice.

Ainsi, Feenat continua à grandir, son désir de changer les choses grandissant encore plus dans son esprit. Elle s'intéressa rapidement au métier de policier après que ses parents et elle déménagèrent à Gorias, obtenant un nouveau rang social plus élevé, une maison encore plus grande, des choses toujours plus chers. Alors qu'elle s'engageait dans les rangs des forces de l'ordre, ses géniteurs lui présentèrent son fiancé, un homme d'une trentaine d'années appartenant à une famille de nobles résidents à Falias. Un type comme tout le monde auquel Feenat ne portait aucun intérêt mais qui pouvait lui permettre d'atteindre son idéal sans doute. Alors elle ne rechigna pas à le rencontrer, à multiplier les rendez-vous et à finalement se retrouver en robe blanche devant l'autel, au plus grand plaisir de ses parents.

A présent Feenat travaille en tant que sergent, habitant une grande demeure à Falias. Elle sera sans doute très bientôt promue à un poste plus élevé vu son rang social. Son travail lui plaît réellement, elle aime apporter l'ordre dans la cité et surtout, elle aime l'action. En dehors de ses heures où elle accomplie son devoir, les journées lui paraissent mornes. Son mari l'ennui de plus en plus, même si elle ne laisse rien paraître. Ses parents ne cessent de la complimenter pour leur avoir permis de rejoindre la basse noblesse, bien qu'ils cherchent toujours à obtenir plus, voulant se rapprocher au maximum de leur Chancelier adoré. Avec ses allures de femme parfaite, personne ne se douterait qu'en réalité, elle est totalement contre tout ça. Personne ne se douterait de la marque sur son poignet, dissimulée par des bracelets hors de prix. Personne ne se douterait qu'au fil des années, un plan est entrain de se former dans sa tête pour que la justice règne une bonne fois pour toute à Aosi.